Croquis2b

ANALYSE : "Croquis 2b"

Avec le Cadre, nous rebroussons chemin pour revenir aux figures semi-fictives. En effet, les quatre coins de ce deuxième cadre sont des représentations de solides, sans que nous puissions pour autant savoir si cette représentation concerne de véritables tronçons de poutres fixés sur les cubes ou de simples aplats peints à leur surface. En revanche, la partie médiane de ces poutres est absente, que notre système perceptif s’empresse de recréer en poursuivant de manière hallucinatoire les lignes et les surfaces ébauchées par ces coins parfaitement alignés. Ainsi, l’Ļil continue et achève ce que la règle et le crayon n’avaient qu’esquissé. Apparemment le cerveau ne s’embarrasse guère du contraste qui existe entre la matérialité, la volumétrie, la lumière et les ombres (la version dessinée rend le volume par des gris différents) des coins et l’absence totale d’informations sur les parties supposées intermédiaires des barres. Il lui est même apparemment plus facile de visualiser ce cadre là que le précédent. Situation due au fait que ce sont cette fois les coins (ces informations essentielles à la reconnaissance d’un cadre), qui sont matérialisés plutôt que les barres (qui ne donnent aucune indication sur l’organisation générale de la forme).

Mais, ce n’est pas tant le cadre semi-fictif de ce croquis qui va maintenant nous intéresser que les formes qui permettent de révéler la forme fictive. Nous n’avons pas jusqu’ici précisé que les figures fictives connues (comme le Triangle de Kanizsa, Lien hors-site) surgissent sur un arrière-plan de formes géométriques planes, alors que ce sont des volumes, qui, depuis la première page du carnet, leur servent de support. C’est donc sur l’emploi particulier et voulu de volumes que nous devons attirer l’attention flottante du lecteur d’écrans web. Ces volumes ne sont pas anodins, qui entretiennent un rapport d’ambiguïté spatiale avec la forme fictive. En premier lieu, nous ne pouvons nous empêcher, en raison de la simple présence de blocs massifs qu’il nous semble inconcevable, du fait de leur masse, d’imaginer volants, de considérer la surface blanche du papier comme une surface plane et fuyante. À partir de là, les cubes se répartissent dans la profondeur de l’espace, tandis que le cadre se dresse à la verticale. Nous obtenons alors un hiatus spatial, puisque le cadre qui est perçu comme étant fixé ou peint à la surface des cubes ne suit pas leur orientation. Le cadre qui tire son existence, il est vrai illusoire, des cubes ne peut à la fois se dresser à la verticale tout en allant appuyer sa barre supérieure contre les cubes éloignés. Que pouvons-nous faire d’autre, pour résoudre cette contradiction, que d’imaginer la lévitation des cubes supérieurs ? Pourtant, nous ne le faisons pas, notre système perceptif se contentant de ne pas voir, de ne pas reconnaître et tout simplement d’ignorer cette contradiction qui le mettrait dans une situation embarrassante pour qui veut croire qu’il nous sert à voir le monde tel qu’il est.

Mais heureusement, cette situation ubuesque n’est pas la norme, puisque la figure suivante n’hésite pas à faire un choix entre deux organisations contradictoires afin de résoudre le conflit spatial.

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