ARTICLE n°2

"Mon ordinateur ne se fait pas d'illusions"

Contrairement à moi, être humain capable de réflexion, mon ordinateur, cette machine stupide et programmée, ne se fait pas d’illusions. C’est en réalisant ce site, que j’ai été amené à faire cet amer constat. Cela est advenu lorsque je préparais les croquis des sommaires des différentes rubriques. Ces croquis fictifs contiennent un texte (“Analyses”, “Dessins”,...) dont la direction, ou la forme, ou la position peuvent tout aussi bien suivre que contredire la figure fictive, incluse entre les blocs dessinés. Une fois le texte mis en place, il m’a semblé que ce serait une bonne idée de mettre en couleur le fond du croquis afin de le distinguer des croquis des pages de carnet. J’ai donc ouvert “Photoshop Elements” pour colorer en ocre le fond de l’image. Ce faisant, je me rendis compte que la machine et moi n’avions pas la même conception du fond de l’image d’une figure fictive : le logiciel s’étant empressé de colorer le fond de l’image en même temps que la surface de la forme fictive (Fig. 1).

CroquisIcono1

Le logiciel remplit une surface de la manière suivante : vous choisissez l'outil “Pot de peinture”, auquel vous associez une couleur et un plan : premier plan ou arrière-plan. Puis, afin d’appliquer la couleur choisie à l’arrière-plan, vous cliquez sur n’importe quel endroit de ce que vous considérez comme étant une partie du fond. À partir de ce point, le “Pot de peinture” remplira tout jusqu’à ce qu’il rencontre la barrière d’une ligne, d’une forme ou d’une couleur. Mais, en obéissant à cette règle de bon sens, le logiciel a rempli le fond du croquis d’une manière qui ne correspondait pas à la vision et, par là, à la conception que j’en avais. Mon ordinateur ne voit pas la forme fictive surgir en avant des volumes dessinés. N’ayant rencontré aucune barrière qui lui en interdise l’accés, pour lui, cette zone fait partie du fond de l’image. Ainsi, mon ordinateur, ce crâne de piaf, ne voit pas plus loin que le bout de son nez, qui ignore les alignements plastiques, le principe de fermeture de la psychologie de la Forme et les contours subjectifs de la psychologie cognitive.

Icono2

Un humain averti de la présence d’une forme fictive à qui l’on demanderait de mettre en couleur le fond du croquis réagirait autrement en épargnant cette surface, la voyant et la considérant comme une forme flottant au premier plan (Fig. 2). Voilà ce qui nous sépare pour l’instant de la machine, car dans l’avenir les robots auront sans doute à subir les illusions humaines. En effet, le principe de fermeture de notre système perceptif qui tend à clore des formes ébauchées n’échoue qu’exceptionnellement à rendre compte du réel et de sa matérialité. En son absence, nous serions peut-être incapables de comprendre et, pire, de nous déplacer dans la réalité. Les robots auront à utiliser ce mécanisme indispensable à la reconnaissance des formes et devront en subir les rares dysfonctionnements. Ils pourront, comme nous le faisons dans la réalité, dépasser ces illusions par un changement de point de vue grâce à un léger déplacement, permettant de vérifier si la fermeture perçue est réelle ou illusoire. Mais l’image fixe et plane des figures fictives n’autorise pas cette solution. Heureusement pour notre perception du monde et la mécanique à venir des robots, ce type d’illusion se cantonne au domaine de la représentation bidimensionnelle.

 

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