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Voici donc le premier logotype de la série. En dépit de sa simplicité apparente, ce dernier n'est pas sans poser problème à la théorie des figures fictives. Au premier abord, un rectangle blanc allongé apparaît comme étant la forme fantôme. Alors que ses contours ne sont pas totalement tracés, nous l'imaginons, et même le voyons, survoler les trois surfaces noires qu'il semble recouvrir de sa présence irréelle. Et c'est là que le bât blesse. Puisque la théorie et le Triangle de Kanizsa nous disent que la forme fantôme devancent les surfaces noires, comment pouvons-nous reconstituer le T nécessaire au graphisme du logotype ? Car, je perçois un T qui, pour apparaître, associe la barre verticale noire à la barre horizontale blanche, en dépit de leur échelonnement supposé dans l'espace. Plusieurs explications pourraient être avancées afin d'expliquer cette contiguïté inhabituelle.

1) Nous pouvons tout d'abord supposer que le contact des barres est du au fait que le tiret noir ne traverse pas la bande blanche. Si les deux ovales paraissent à l'évidence entamés, le rectangle noir pourrait très bien s'arrêter à cet endroit précis, sans que nous ayons besoin d'imaginer le moindre recouvrement réel, avéré ou supposé.
2) Nous pouvons encore penser que nous sommes amenés à voir un T en raison du texte inscrit en-dessous du logotype. Nous serions là plutôt du coté de la reconnaissance formelle (et en cela des processus descendants), en ce que nous avons d'abord à lire (ou pour le moins, en ce qui concerne un individu ne lisant pas l'alphabet occidental, à reconnaître la forme de la première lettre du texte) pour émettre un parallèle possible entre la première lettre du texte et le T semi-fictif. Pourtant, à masquer de la main le texte, la forme du T semble tout aussi prégnante. L'effet sémantique ne semble donc pas avoir un impact si important.
3) Pour rester dans le domaine de la reconnaissance formelle, une autre explication peut être avancée. Je vois, pour je ne sais trop quelle raison, un paysage en ces trois formes noires. J'arrive sans difficulté aucune à imaginer au premier plan un poteau en forme de T, qui devancerait à droite une forme végétale et à gauche un nuage. Cette interprétation sémantique de ces tracés géométriques me conduit à poser la barre fictive au sommet du rectangle noir.
4) Enfin, pour en revenir aux processus ascendants, un psychologue de la perception pourrait nous dire que la jonction en T des barres noire et blanche (jonction particulière dont la reconnaissance est dévolue à des neurones spécifiques) fait que la contiguïté due à ce type de jonction prévaut sur l'échelonnement illusoire provoqué par un contour fictif. Il est vrai que la première figure fictive publiée par un psychologue, le Carré de Schumann (ci-dessous à gauche), n'est pas aussi prégnant que le Triangle de Kanizsa (ci-dessous à droite une variante en forme de trapèze). La différence de prégnance pourrait bien provenir des contacts en T du Carré. Alors que Kanizsa s'est ingénié à opérer des raccords aigus ou obtus entre ses surfaces noires et sa forme fictive, Schumann n'a utilisé que des angles droits. Pire encore, nous pouvons trouver une hiérarchie à l'intérieur de toutes les jonctions orthogonales du Carré de Schumann. Si le carré fictif semble bien flotter en avant des formes noires arrondies, il n'en va pas de même avec les deux bordures horizontales du cadre. Là, le carré fantôme me semble passer derrière la bordure. C'est qu'en ces deux endroits, nous avons des jonctions en T de tracés rectilignes, alors que dans le centre de l'image, la jonction en T utilise, pour partie, des tracés courbes.

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Mais, quoiqu'il en soit, nous en arrivons à cette situation invraisemblable qui veut que je perçois en ce logotype un T dont la barre verticale noire semble située au premier plan, alors même qu'elle participe au surgissement de la barre blanche au même titre que les deux ovales noirs, qui, quant à eux, paraissent plus éloignés qu'elle. Comprenne donc qui pourra.

 

ENTREPRISE : Travel The Oh's
GRAPHISME : Kijuro Yahaji, 1999.

 


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