Ticket24
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Le logotype de l'entreprise Ticket 24, qui apparemment, assure la vente de tickets téléphoniques au Japon, ne semble, de prime abord, guère intéressant. C'est pourtant avec lui que nous allons débuter une série de volumes fictifs,
Je vois ces douze blocs fictifs comme les touches d'un clavier (d'où mon hypothèse d'une entreprise de vente de tickets téléphoniques). Mais cette interprétation ne provient pas tant d'un volume fictif, isolé et solitaire, que de sa répétition régulière et logique. Ainsi, à ne considérer qu'un seul de ces volumes, trois interprétations du tracé graphique prédominent :
1) Un chevron plat dont le pointe est dirigée vers le bas à droite.
2) Deux plans orthogonaux et fuyants, qui, vus en plongée, dessinent un L inversé.
3) Deux plans orthogonaux et fuyants, qui, vus en contre-plongée, dessinent encore un L inversé.
Pourtant, à considérer l'ensemble du dessin, il est difficile de retrouver ces trois interprétations, de même qu'à à isoler une forme, nous avons du mal à voir un cube. Comment expliquer la prégnance du cube fictif sur les trois interprétations de sa matérialité graphique?
La perception illusoire d'un carré frontal éclairé est due au réseau de lignes verticales et horizontales que le principe de colinéarité nous incite à imaginer. Car si deux cotés du carré sont déjà donnés par l'angle intérieur du chevron, les deux autres sont entièrement hallucinés. À partir de l'alignement plastique voulu par le graphiste, le principe de colinéarité, hérité de la
Gestalt, nous incite à imaginer une verticale passant par la pointe inférieure gauche des chevrons. Sur le même principe, notre système perceptif construit les horizontales fictives en reliant leurs pointes supérieures droites. Voilà comment, nous arrivons à percevoir un carré illusoire à partir de la moitié de son contour total, l'angle intérieur droit du chevron. Voilà comment, nous croyons voir des cubes, là où nous n'avons que des chevrons noirs et plans, sagement alignés.
Puis, en une dernière fiction d'ordre sémantique celle-là, j'en arrive à transformer ces solides fictifs en un autre récit : un clavier téléphonique. Mais, à partir d'ici, nous entrons sans doute dans le champ des processus descendants. Notre connaissance conceptuelle du monde (en l'occurrence celle des claviers téléphoniques) vient maintenant informer ces douze cubes fictifs pour en donner une interprétation, qui pourra varier selon les individus, les cultures et les savoirs, Il se trouve simplement que, par un heureux hasard ou une loi édictée par les entreprises de télécommunication, l'antique clavier de mon téléphone fixe, fabriqué en Chine et vendu en France, offre la même organisation de touches.
C'est ainsi qu'un miracle de la mondialisation économique s'associe à une aberration de la perception humaine pour que je puisse halluciner ce que l'on a décidé de me faire voir. C'est ainsi que vous pouvez constater que même le volume le plus simple, un cube, peut tout autant révéler la complexité des mécanismes de la perception, que l'uniformisation du commerce mondial.

 

ENTREPRISE : Ticket 24 (Ticket shop, Japon)
GRAPHISME : Masami Ishibashi

 


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