THÉORIE 3

"Le Triangle de Kanizsa est une figure impossible"

AVERTISSEMENT

Cette seconde analyse, écrite aux alentours de l’an 2000, dans un texte, qu’un jugement objectif ne peut que qualifier d’indigeste. Un ultime rebondissement m’a obligé à modifier la “Classification générale des figures impossibles et ambiguës” et à écrire une nouvelle analyse du Triangle de Kanizsa, qui de simplement équivoque devenait alors impossible. Rappelons encore une fois que, bien que légèrement remanié, ce texte risque de paraître d’un abord difficile à un non connaisseur. Afin de vous faciliter la tâche, la définition des termes soulignés a été intégrée au dictionnaire (une fois au dictionnaire, utilisez la flèche "Précédente" du navigateur pour revenir ici). Malheureusement, cette deuxième analyse n’est pas encore celle que l’auteur défendrait actuellement. Vous pourrez donc ensuite, si le coeur vous en dit, consulter la toute dernière analyse, qui, parce qu’elle est désabusée, reste d’une lecture beaucoup plus facile et apporte, grâce au partenariat involontaire du logotype Carrefour, des éléments nouveaux et intéressants à une ébauche timide et bien entendu non définitive de la compréhension des figures fictives.

LE TRIANGLE DE KANIZSA COMME FIGURE IMPOSSIBLE

En l’absence de superposition ou de contact incohérents, nous avons jusqu’ici refusé d’envisager la possibilité d’un alignement impossible. Le Triangle de Kanizsa (Lien hors-site) a donc été considéré comme équivoque. Pour ce faire, un raisonnement douteux a été employé. Avec ce triangle fictif, nous serions devant l’alternative suivante: se soumettre à l’illusion ou accepter la matérialité du tracé. Malheureusement, le même argumentaire avait déjà été utilisé pour une figure impossible: la Tripoutre des Penrose (Lien hors-site). Pour être reconnue comme impossible, nous devons tout d’abord percevoir un volume normal, puis, une fois son incohérence découverte, imaginer la correction qui devrait être apportée pour une éventuelle construction. C’est dans ce va et vient mental que nous formalisons l’impossible. Car, ceux qui ne comprennent pas la transgression des lois implicites de la perspective que cette figure opère ne sont pas à même de percevoir son incohérence. Pourtant, bien que nécessaire à la reconnaissance de l’impossible, ce travail conceptuel de reconstruction mentale ne peut prêter à équivoque, en ce qu’il ne constitue pas une deuxième perception de l’image.

La première impossibilité du Triangle de Kanizsa se passe en revanche de toute connaissance particulière de la représentation: malgré ce que nous voyons la forme fictive ne peut s’élever au-dessus du fond qui la contient. La seconde impossibilité du Triangle est tout aussi évidente qui veut que le blanc du triangle ne puisse être plus intense que celui du fond. L’impossibilité de cette image s’avère donc plus forte et plus universelle que celle de la Tripoutre et des autres figures impossibles, qui nécessitent la connaissance implicite des lois de la représentation spatiale pour établir leur incohérence. En cela, le Triangle de Kanizsa pourrait relever d’un impossible optique. Cet impossible est singulier en ce qu’il ne cherche pas remettre en question la représentation plastique attendue de la profondeur, mais s’ingénie à atteindre certains mécanismes perceptifs de son élaboration, à travers une image qui, pour cette raison, doit ignorer les principes convenus de la représentation spatiale.

Cette singularité peut être expliquée par le type de surface que le Triangle se plaît à utiliser. Nous avons là un alignement que nous qualifierons d’incohérent, en ce qu’il permet à une partie du fond de surgir au premier plan, de manière totalement irrépressible et parfaitement invraisemblable. Grâce à cette utilisation particulière du fond, le Triangle se contente d’aplats pour parvenir à l’impossible, situation qui laisse supposer que l’impossible optique pourrait se satisfaire de deux éléments pour accéder à l’incohérence spatiale. La découpe d’un unique aplat noir suffit en effet à enfermer et faire surgir une forme fictive du fond blanc qui la contient. La fermeture optique opérée par la colinéarité remplace ainsi à bon compte la fermeture matérielle de l’impossible plastique. En revanche, les impossibilités plastiques nécessitent toujours trois éléments pour exprimer les trois dimensions de l’espace, ou la volumétrie d’une masse.

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